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ABANDON | LÂCHER PRISE
Je suis de la génération des gens qui ont appris a fabriquer leur
bonheur a coup de volonté, de dépassement. Se laisser vivre avait
quelque chose de suspect, de hippie sur les bords.
Cette façon d'etre a eu du
bon : elle m'a permis de développer ma volonté, aussi un certain
sentiment de force intérieure. Par contre, elle m'a souvent laissé
épuisé. Et je suis certain que je suis souvent passé a côté d'intuitions
plus profondes, car je ne les laissais pas toujours monter. Devant
l'inconnu, comme au moment d'une décision a prendre, je me donnais mal
le droit de ne pas savoir, je prenais mes décisions en homme, avec la
tete. Ceci m'a certainement fait prendre des chemins de rallonge, des
chemins plus travaillés, plus compliqués, qui perdaient cette espece de
danse qu'est la vie quand elle coule tout naturellement. Manifester une
force de caractere, c'est une chose; forcer les événements, c'en est une
autre.
J'ai appris du yoga un
principe d'action que j'ai mis du temps a saisir, puis j'ai fini par
trouver plein de sagesse :
Accepter. S'adapter.
Laisser aller.
Accepter : Reconnaître la
réalité, a commencer par ma personnalité avec mon côté ombre. Prendre
contact avec elle, avec ses saveurs et ses aigreurs, avec l'émotion
qu'elle provoque en moi.
S'adapter : En tirer les conséquences, me repositionner. Changer
ce que je peux changer, en commençant par moi-meme avant de le demander
aux autres.
Laisser aller : Laisser la Vie se charger de la suite. La semence
est mon affaire, la récolte est l'affaire de la Vie.
Avec le temps, j'arrive a
comprendre que le bonheur est sans doute moins a faire qu'a
laisser-se-faire. Ouvrir portes et fenetres pour que la lumiere
entre. Avoir la patience d'attendre que certaines réponses deviennent
évidentes, au lieu de tourner en rond dans ma tete ou de forcer les
choses pour qu'elles se produisent comme je l'avais pensé.
De plus en plus, je me dis
que si je m'exerce a flairer quand ça tire et quand ça pousse au dedans
de moi, les réponses qui vont monter ont plus de chance d'etre
connectées a une sorte d'harmonie qui me dépasse... La Vie sait pourquoi
elle me fait vivre telle ou telle situation. Et si tout le jeu
consistait a devenir un peu plus complice avec elle a chaque jour qui
passe, en aiguisant ma sensibilité pour mieux capter les intuitions qui
montent ?
Je repense a ce proverbe
africain Celui qui rame dans le meme sens que le courant fait rire
les crocodiles . Je l'ai souvent pris comme un encouragement a
sortir du troupeau, a exprimer notre originalité. Aujourd'hui, j'y
découvre un autre sens : a quoi bon ramer jusqu'a m'épuiser s'il existe
un courant qui se charge de me porter plus loin ?...
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