Jean Monbourquette, un
psychologue bien connu au Québec, raconte son expérience d'ACV (accident
cardio-vasculaire), au bout duquel il éprouvait un besoin immense de
pleurer, comme nombre de gens qui ont vécu ce trouble. Il raconte son
expérience difficile, l'incompréhension de l'entourage, sa lutte pour se
permettre, et conclut :
Les pleurs
guérissent, ils renforcent le systeme immunitaire. C'est prouvé. *
*
Voici un extrait de lettre que j'adressais a ma fille, qui devient
adulte. Par moments les émotions lui jouent des tours. Se permettre de
pleurer ? Jusqu'ou ?... J'ai cherché ici a lui partager mon cheminement et
ma vision sur ce plan :
(.) Je te revois petite, sur mes genoux en train de pleurer, puis de
rire aussi. Il me semble que ce que j'ai vécu avec chacun de vous a été
de vous encourager a pleurer librement lorsque vous en aviez envie, en
essayant de vous entourer de chaleur pour vous le permettre. Jusqu'a un
point, c'est vrai : quand vous vous enlisiez dans les larmes et que
vous ne saviez plus comment en sortir, quand ça pouvait ressembler a
entretenir un sentiment de victime, alors je trouvais important de vous
provoquer un peu a réagir. Surtout pas pour vous laisser croire que ce n'était
pas important, jamais.
Je m'explique mieux aujourd'hui ce qu'alors je vivais confusément
avec vous. Je crois que pleurer est comme le lubrifiant de l'âme : il
nous permet de laisser sortir ce qui fait mal, en meme temps qu'il met un
baume le long du canal irrité qui va jusqu'au c?ur, pour qu'on le
remonte avec confiance en cherchant a mieux comprendre notre sentiment.
Contacter l'émotion, oui ! pleinement : c'est le premier pas,
légitime et nécessaire. Je vois la, je dirais, comme le féminin de notre
guérison : l'écoute en tendresse; le geste de la mere qui console et
qui dit je te comprends. .
Dans un deuxieme temps, notre raison vient a la rescousse et choisit de
dire Stop, c'est assez. Je suis plus forte que ce qui m'arrive
et je vais prendre le dessus. La réalité est la : qu'est-ce que je
vais en faire ?. C'est l'aspect masculin de notre
guérison, la colonne vertébrale a retrouver pour faire face, dépasser l'obstacle
; le geste du pere qui dit leve-toi, secoue-toi, repars.
Je suis sur aujourd'hui que nous avons besoin des deux.
A mesure que nous grandissons, nous devenons pour nous-meme cette mere
et ce pere face a notre enfant intérieur. Nous réunissons ce féminin et
ce masculin nécessaires a notre guérison. Les deux memes besoins sont
toujours la quand on a mal. Celui d'exprimer a notre enfant je
te comprends, tu es belle dans ta douleur. , puis celui de lui
dire : bon, sors-en maintenant, c'est l'heure.
Regarde : il fait soleil, retourne jouer dehors.
Je ne sais pas si j'arrive a mieux te faire comprendre ma façon de
voir. Il me semble que c'est celle que j'ai toujours gardée, du moins
confusément. Et souvent gauchement, je le sais. Et je t'en demande pardon.
Comme on voit mieux apres coup, des fois, comment on aurait du agir. Etre
parent, tu vas t'en apercevoir, c'est accompagner nos enfants la ou nous
sommes rendu nous-meme. C'est quelquefois dur a vivre, on se sent coupable,
des fois. Puis on se rebranche sur notre désir, qu'on sait sincere, qu'eux
aillent plus loin que nous encore avec leur vie.