Un petit arbre poussait en foret. Et plus il poussait et
prenait de la force, plus il admirait l'étendue infinie du ciel au-dessus de ses
branches.
Ce ciel et ces nuages semblaient lui parler un langage lointain. Et l'arbre se
prit a imaginer que le vent lui rapportait des nouvelles de l'infini. Plus il
grandissait et plus il avait envie de vivre pour toujours. De s'arracher a sa
terre pour partir loin, tres loin.
Un jour, le forestier passa pres de l'arbre. Comme c'était un homme bon, il
sentit que l'arbre n'était pas completement heureux. Il lui demanda :
― Que t'arrive-t-il ? Qu'est ce qui te trouble ?
Le petit arbre hésita mais lui répondit :
― Je désire plus que tout vivre pour l'éternité !
― Peut-etre que ce sera possible, peut etre...
répondit le forestier de maniere énigmatique.
Le temps passa et l'arbre était maintenant grand et fort. Le forestier qui
passait par la lui demanda pour la seconde fois :
― Et maintenant, veux-tu toujours vivre pour
l'éternité ?
― Oh oui répondit l'arbre, j'en reve !
― Je pense que je peux t'aider, mais il va
falloir me faire confiance : je vais devoir te couper.
L'arbre était surpris :
― Je voulais vivre pour toujours et toi tu me dis
que tu vas me tuer. Comment pourrai-je te faire confiance ?
― Je sais que cela paraît étrange, mais c'est
pourtant la solution. Je te promets que, si tu te laisses faire, tu vivras pour
toujours.
Apres avoir longuement réfléchi, l'arbre accepta la proposition du forestier et
bientôt la scie fit son office. L'arbre souffrit en silence et tomba dans un
grand fracas de branches cassées.
Son tronc fut débité en planches et les planches en planches encore plus fines,
jusqu'a ce qu'il ne reste de l'arbre que le meilleur de son coeur.
Puis l'arbre atterrit dans les mains d'un violoniste réputé, qui le laissa dans
sa boîte a violon pendant des années. L'arbre souffrait beaucoup et désespérait
de son sort en se reprochant d'avoir fait confiance au forestier.
Un jour cependant, la boîte s'ouvrit et le violoniste, en caressant l'arbre, le
prit délicatement entre ses mains. Le moment est parfait : ton bois a
gentiment travaillé et le son que tu vas rendre sera un enchantement , dit
l'artiste en commençant a frotter l'archet sur le corps du violon.
Alors les cordes vibrerent et le corps du bois résonna d'une pure mélodie. Les
notes rappelerent a l'arbre la vision d'infini qui l'avait ému en regardant le
ciel. Il songea aux oiseaux et aux nuages, a ce désir d'éternité qui l'avait
animé pendant toute sa vie. Et il comprit : un pur son, une pure musique, une
musique pour l'éternité...
Christian Godefroy,
www.club-positif.com (2005)
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