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La promenade du vendredi
J'étais chez le boulanger quand un petit
feuillet a attiré mon attention :
Vous avez un peu de temps? Venez rejoindre l'équipe de volontaires dans
notre maison de repos. .
Oui, j'ai atteint l'âge de la retraite et j'ai donc du temps libre. Sans me
poser trop de questions, je me suis rendue dans cette Seigneurie. Dans la liste
d'activités proposées, j'ai choisi la promenade du vendredi apres-midi.
Tres vite une inquiétude s'est installée en moi : Qu'est-ce qui t'a pris
d'accepter ce genre d'activité alors que tu es mal a l'aise face aux personnes
d'un âge tres respectable !
J'ai toujours fui ces personnes au regard un peu absent qui tapissent les
couloirs ou les salles des seigneuries. En passant devant elles, je pressais le
pas pour éviter de devoir éventuellement répondre a un appel.
Les dernieres années de sa vie, Maman s'était enfermée dans sa bulle et j'ai
donc eu peu de vrais contacts avec elle. Quant a mon Papa, a 95 ans, la veille
de sa mort, il faisait encore son mot croisé quotidien. Il était lucide jusqu'au
bout. Je n'avais donc aucun probleme pour communiquer avec lui.
Aujourd'hui, j'étais inscrite comme volontaire. Je ne pouvais donc plus faire
marche arriere. A 14h je me présentais en meme temps qu'une quinzaine d'autres
personnes pour accompagner chacune une personne en chaise roulante et parcourir
la campagne environnante.
J'ai vite appris qu'il existe bien
d'autres langages que le langage verbal : un front plissé ? Je sors la petite
couverture pour recouvrir les jambes et un large sourire me fait comprendre
que c'était bien le froid qui genait. Une main sur l'épaule pour m'assurer que
tout va bien et la, je vois tous les muscles se détendre. A la fin de la
promenade je remercie pour ce moment passé ensemble et j'ai droit a un large
sourire bien
plus parlant que de longs discours.
Tres vite, apres cette premiere expérience, un sentiment d'échec et de
culpabilité m'a envahie vis-a-vis de ma mere. J'étais tres souvent pres d'elle
mais pour éviter son regard hagard, je m'activais dans des rangements, des menus
nettoyages, la préparation d'un café. de façon a etre occupée et d'éviter ainsi
le face a face .
L'opportunité de passer quelques heures chaque vendredi avec l'une et l'autre
personne en chaise roulante m'a permis de voir les choses tout autrement. De fil
en aiguille, j'ai pris une place importante dans cette maison de retraite, je
m'y sens attendue. Ces personnes m'ont fait découvrir leur monde et
comprendre leurs expériences et leur sagesse. Elles m'ont appris le B.A. BA de
la communication. En répondant au besoin d'aide pour entourer des personnes
d'une génération avec laquelle je ne me sentais pas a l'aise, c'est mon besoin
de mieux comprendre leur richesse qui m'a été offert. Et quand ça se présente,
ma petite fille de quatre ans m'accompagne pour son plaisir et celui de tous les
résidents.
Badette, Belgique (2009-10-27)
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