Photo : Solidarité-Sud |
Témoignage d'un stagiaire
a Corquin, Honduras |
Notre site,
vous le savez, a choisi de
mettre en évidence comment la croissance personnelle peut etre
puissamment soutenue par la solidarité. Le témoignage qui suit en parle
mieux qu'une théorie. Apres l'avoir lu, je me suis demandé s'il
était possible que son auteur revienne chez lui avec le
meme regard sur les gens, sur les défis qu'il rencontre personnellement,
sur l'idée qu'il se fait du bonheur.
Pour vous
situer, Corquin est une petite
ville de montagne dont une grande majorité des habitants est impliquée
dans la production de café. Les stagiaires de l'organisme québécois
Solidarité-Sud étaient hébergés dans des familles paysannes, tandis
qu'ils offraient leur temps aupres des jeunes a l'école ou au centre de
la petite enfance, dans un centre pour enfants handicapés ou encore a
l'hôpital. L'auteur était l'un d'eux.
Denis Breton
Quand je vais partir de
Corquin, je voudrais
remplir ma valise de souvenirs
Je
voudrais mettre dans ma valise tous les sourires des enfants qui
arrivent a la garderie. Ils n'ont pas de boîte a
lunch, car ils n'ont pas mangé le matin. A 10 h, ils
acceptent tout ce que la gardienne leur donne,
car ils n'auront peut-etre rien pour dîner. Ils
quittent a 11 h, le sourire aux levres, en nous
saluant de la main, sachant qu'ils ont plus de 30
minutes a marcher, meme s'ils n'ont que trois ou
quatre ans.
J'aimerais mettre aussi dans
ma valise quelques grandes s?urs de 7 ou 8 ans,
qui viennent chercher leur petit frere ou
leur petite s?ur avec patience et
gentillesse. Elles vont s'occuper des plus jeunes le
reste de la journée, si maman est malade ou si elle
est partie travailler dans les champs.
Je glisserais dans mon sac a
dos quelques filles de 14 a 18 ans qui quittent
leur petit patelin dans les montagnes, qui font
cinquante kilometres dans la boîte d'un camion pour
aller travailler comme bonne a tout faire dans
une famille d'un village plus
riche, plus grand. En partant, elles n'ignorent
nullement qu'elles vont travailler de 5 h du matin a 8
h du soir, sans un mot de remerciement, toujours
pretes a servir, se contentant de baisser la
tete, quand la patronne leur fait des
reproches ou simplement les gifle, sachant qu'a la
moindre bévue, elles pourraient etre chassées sans
préavis. Durant quelques années, ces filles
dociles vont travailler pour un salaire de famine, en
attendant que le patron les engrosse et les
renvoie chez elles avec leur gros ventre. Elles
passeront le reste de leur vie a élever cet
enfant qu'elles ne voulaient pas, considérant que c'est le
seul bien qu'elles possedent.
Je rangerais aussi dans ma
valise un nombre incalculable de meres de
famille qui travaillent sans arret pour élever seules
leurs enfants dans des conditions misérables,
avec la hantise de voir leurs grandes filles
partir avec le premier venu et de retrouver leurs
fils, a peine matures, victimes des vendeurs de
drogue, assassinés dans un fourré a proximité de
leur pauvre demeure.
Je trouverais certainement de
la place pour quelques grand-meres qui, en
partie sourdes, a demi aveugles, ayant perdu
toutes leurs dents, essaient de tenir le coup le
plus longtemps possible au cas ou des
petits-enfants auraient encore besoin d'elles.
Je vais partir de Corquin avec une valise bien remplie.
Claude Bernier
Tiré de
Contact Solidarité-Sud, juin 2009
Pour connaître l'organisme :
www.solsud.com
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